Thierry Breton : réponse à la question du député Bernard Carayon sur la cohérence de la position française en matière de formats logiciels ouverts
Par Jean-Christophe Becquet :: Questions au gouvernement :: #139
La question N° : 117669 du député Bernard Carayon publiée au JO le 06/02/2007
M. Bernard Carayon appelle l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur la cohérence de la position française en matière de formats logiciels ouverts. En mai 2006, après un processus de concertation complet, l'ISO a adopté comme standard de documents le format ODF (ISO/IEC 26300 Open Document Format for Office Applications), une documentation d'environ 700 pages, et soutenu par l'ODF Alliance qui regroupe des acteurs industriels et des organisations du monde entier. Ce format est un point capital du référentiel général d'interopérabilité (RGI) que le Gouvernement doit publier sous forme de décret prochainement. En réaction, une société américaine en situation de quasi-monopole, notamment en matière de logiciels, plutôt que d'implémenter cette norme mondiale, veut imposer à l'ISO son propre format, OOXML (ECMA 376 Office Open XML), en partie basé sur des briques logicielles propriétaires - ce qui pourrait entraîner des restrictions juridiques ou techniques de mise en oeuvre - et sur une documentation de 6 000 pages. Au passage, ce projet redéfinit de nombreux formats et codifications, de telle sorte qu'il remet aussi en question un certain nombre de standards antérieurs très largement utilisés (images, animations, formules mathématiques, codification des dates, des langues et des pays, métadonnées). Une procédure accélérée est pourtant engagée et, en France, l'Afnor a lancé une consultation auprès des acteurs économiques. Devant cette situation, trois questions se posent : - Comment l'Afnor, à laquelle la France a délégué sa représentation auprès des instances internationales de normalisation et dont la réputation mondiale de sérieux n'est plus à démontrer, a-t-elle pu examiner dans de bonnes conditions et dans le temps imparti les 7 000 pages de documentation concernant le format OOXML ? Quelle est la composition du groupe de travail, qui en est le président et comment ont été répartis les droits de vote au sein de ce groupe ? Quelle est la position de l'État sur ce sujet, en cohérence avec les choix du RGI, et qui l'a représenté au sein du groupe de travail de l'Afnor ? Les formats ouverts sont, potentiellement, le socle d'une autonomie européenne retrouvée en matière de technologie de l'information. Une position hâtive et incertaine de la France en ce domaine jouerait durablement contre les intérêts européens.
La réponse du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie publiée au JO le 10/04/2007
Un format ouvert de documents bureautiques, Open document format (ODF), a été adopté en 2006 par l'Organisation internationale de normalisation (ISO), dont l'Association française de normalisation (AFNOR) est le membre français. Le référentiel général d'interopérabilité (RGI), défini par la direction générale de la modernisation de l'État (DGME), préconise ce format ODF sous sa référence ISO. En début d'année, une association d'industriels du secteur des technologies de l'information, l'European Computer Manufacturers Association (ECMA), a soumis à l'ISO un format alternatif en demandant une procédure rapide d'adoption. Cette procédure consiste en deux enquêtes successives conduites auprès des membres nationaux de l'ISO. A l'issue de la phase d'enquête, la décision de l'ISO se prendra avec l'approbation d'au moins les deux tiers des pays, sauf si plus d'un quart des pays s'y oppose. La première phase d'enquête, d'une durée de 30 jours, est close depuis le 5 février 2007. AFNOR, au nom de la France, a fait part de contradictions possibles entre le nouveau format proposé et certaines normes existantes. Un examen complémentaire a donc été nécessaire et des réponses sont attendues de la part de l'ECMA. La seconde phase d'enquête durera 5 mois. Pour établir la position française, AFNOR soumettra le texte à une enquête probatoire nationale de 2 mois, notifiée au Journal officiel, et ouverte à tous. Un groupe de coordination au sein d'AFNOR, regroupant tous les acteurs intéressés, se prononcera sur la base du consensus sur la position à adopter par la France. L'État est représenté dans ce groupe par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour éviter un conflit de normes, qui serait préjudiciable aux gains attendus du cadre normatif du RGI à moyen et long terme, les représentants de l'État privilégient une position qui n'aboutisse pas à deux normes concurrentes mais à l'enrichissement de la norme existante.