Gilles de Robien : réponse à la question de la députée Martine Billard sur la campagne Informatique de confiance que son ministère organise dans les écoles publiques à destination des enfants
Par Jean-Christophe Becquet :: Questions au gouvernement :: #113
La question N° : 97209 de la députée Martine Billard publiée au JO le 20/06/2006
Mme Martine Billard interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la campagne Informatique de confiance que son ministère organise dans les écoles publiques à destination des enfants, en partenariat avec la société privée Microsoft et d'autres sociétés membres du Trusted Computing Group. Il apparaît que le dispositif promu par la campagne Informatique de confiance repose sur le verrouillage de tous les composants d'un ordinateur, afin de pouvoir autoriser ou refuser l'exécution de programmes, mais également l'accès aux documents (textes, musiques, films, photographies). Ainsi, au prétexte de lutte contre le spam, les logiciels espions et les virus (dont la propagation est souvent due à des défauts de conception des produits informatiques), il s'agit de conditionner toute lecture d'un document ou exécution d'un logiciel à une connexion préalable aux ordinateurs des entreprises membres duTrusted Computing Group. Cette démarche revient ainsi à subordonner tout utilisateur d'appareils informatiques aux modèles de sécurité imposés par un petit nombre de sociétés sur la planète, qui contrôlent ainsi les usages numériques privés des citoyens sur leur propre machine. Aussi elle lui demande en quoi il est légitime pour l'éducation nationale d'organiser une initiative ayant pour objectif de familiariser les enfants avec les technologies numériques avec une société privée, Microsoft, condamnée par la Commission européenne pour pratiques anti-concurrentielles, alors que cela pouvait se faire avec les utilisateurs de logiciels libres.
La réponse du Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée au JO le 19/12/2006
Le décret n° 2006-830 du 11 juillet 2006 relatif au socle commun de connaissances et de compétences est paru au JO n° 160 du 12 juillet 2006. « La maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication » est l'une des sept compétences constituant le socle commun. À l'heure de cette généralisation des usages des technologies, l'institution éducative a le devoir à la fois de ne pas exposer les élèves mineurs qui lui sont confiés aux dangers et aux contenus préjudiciables d'Internet, et de leur enseigner que l'usage de ces outils est régi par des règles qui permettent de protéger la propriété intellectuelle, les droits et libertés des citoyens et de se protéger soi-même. C'est pourquoi, dès le 26 février 2004 (circulaire parue au Bulletin officiel de l'Éducation nationale), l'Éducation nationale a mis en place un plan national systématique de protection des élèves qui s'articule autour de deux axes prioritaires : d'une part, une aide aux équipes éducatives, par la mise à disposition d'outils leur permettant de sélectionner ou de contrôler l'information mise à disposition des élèves, par exemple à partir de systèmes de filtrage (mise à disposition d'une « liste noire » nationale des sites délictueux) ; d'autre part, la mise en oeuvre d'actions de formation, de sensibilisation et de responsabilisation des élèves, des enseignants, des équipes éducatives et des parents aux spécificités de l'Internet, notamment par la rédaction et la signature de chartes de bon usage de l'Internet et des technologies en milieu scolaire. C'est pour aider les collèges et les écoles qui le souhaitent à mettre en oeuvre ce second volet du dispositif que la Délégation aux usages de l'Internet (DUI) a lancé, avec la société Calysto, le tour de France des collèges, puis le tour de France des écoles. Ces actions de sensibilisation, soutenues par des partenaires associatifs et privés, comme l'UNAF, Apple, Google, Hewlett-Packard, Promusicfrance, la SACEM, Science et vie junior, ou Wanadoo, n'ont pas pour objectif de promouvoir quelque dispositif de verrouillage technologique que ce soit, mais seulement de sensibiliser les enseignants, les élèves et leurs parents aux dangers et aux risques de l'Internet et les inciter aux comportements éclairés et responsables qui s'imposent. Dans le même esprit, mais pour sensibiliser le grand public, la DUI a lancé les semaines nationales de la sécurité informatique (« l'Internet plus sûr ça s'apprend » en 2005 et « On se mobilise pour l'Internet plus sûr » en 2006) avec des partenaires privés comme Microsoft, la Fédération bancaire française, Boulanger, Mindscape, Mon quotidien, etc. Ces semaines nationales, qui touchent plusieurs millions de personnes, se bornent à faire connaître les risques de l'Internet et à inviter les usagers aux comportement de prudence et de responsabilité qui peuvent les protéger (antivirus à jour, antispyware, pare-feu, contrôle parental...). Le gouvernement n'ignore rien des menaces sur les libertés Individuelles qui pourraient apparaître si certaines des options étudiées par le Trusted Computing Group étaient effectivement mises en oeuvre. Le rapport « La sécurité des systèmes d'information, un enjeu majeur pour la France », remis le 13 janvier 2006, à M. le Premier ministre par M. le député Pierre Lasbordes, est tout à fait clair sur ce point. Mais ce rapport souligne également, et c'est la première de ses recommandations, l'intérêt et l'importance des actions d'information et de sensibilisation du public des usagers, qui constituent le meilleur rempart contre les outrances technologiques liberticides. Il cite du reste la semaine nationale de la sécurité organisée par la DUI comme un exemple à suivre et à amplifier. Quant aux promoteurs de l'usage des logiciels libres, ils seront à l'avenir invités, comme ils l'ont été par le passé, à se joindre à l'effort national d'information du public sur les questions de sécurité liées au développement de la société de l'information.
Voir aussi
- Gilles de Robien : réponse à la question du député Patrick Bloche sur la semaine nationale de la sécurité informatique
- Gilles de Robien : réponse à la question du député Richard Cazenave sur les enjeux et les avantages du logiciel libre
- Logiciel libre, standards ouverts et interopérabilité à l'Assemblée nationale et au Sénat